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Urbanisation, bâti, foncier et patrimoine. Quels lieux pour habiter la commune dans le futur ?

  • pocabassepointe
  • 24 juil. 2024
  • 6 min de lecture

La permanence architecturale à Basse-Pointe s’interroge sur la manière d’habiter la commune face aux nombreux enjeux qu’elle rencontre. L’urgence imminente du recul du trait de côte interroge le devenir des quartiers sur les falaises. A cela s’ajoute le changement climatique qui va accentuer les risques naturels et rendre plus extrêmes les saisons sèches et humides en entraînant des sécheresses, des inondations, le bouleversement des cultures et de la biodiversité etc. La commune de Basse-Pointe connaît aussi une forte diminution, un vieillissement et un appauvrissement de sa population.

D’un côté, de nombreux logements sont vacants dans le centre-bourg. De l’autre, les logements construits actuellement ne correspondent pas aux attentes et aux modes de vie des habitants. 


Pour se saisir de ces questions complexes et imbriquées, nous avons choisi de développer trois axes de travail. Ici, le second s’intéresse à l’urbanisation de la commune, à son histoire et aux perspectives pour le futur. 



Des logements en première ligne face à l’érosion des têtes de falaise 


En novembre 2020 à la suite de fortes pluies, un éboulement a été constaté par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) à Fond Hackaert à Basse-Pointe. Cet événement met en danger les maisons implantées sur le flanc de la falaise. Certaines familles ont donc fait l’objet d’un arrêté de péril pris par la mairie de Basse-Pointe. Celle-ci n’a pas de solution de relogement pour toutes ces familles et a donc demandé une réquisition de logement sociaux auprès du préfet afin de leur donner la priorité. Les logements seront réquisitionnés dans l’ensemble de l’île.

Cet éboulement s’explique par la nature très verticale de la falaise de 40 mètres qui surplombe la mer. Très friable car constituée de cendres volcaniques, elle est creusée en son pied par les vagues. Les fortes précipitations enregistrées avant l’évènement de novembre 2020, ont augmenté le poids des terrains et déstabilisé les sols, déjà fragilisés par des rejets d’eau non maîtrisés.


L’érosion de la falaise est un phénomène naturel, mais accentué par le changement climatique. Une partie des quartiers Hackaert, Tapis Vert et La Croix est située en zone aléa mouvement de terrain niveau fort lié à l’érosion de la falaise (1).


Le quartier Fond-Bourg est quant à lui concerné par les submersions. Avec l’augmentation du niveau des océans, et l’intensification des cyclones, les submersions liées au cyclone centennal (qui a une chance sur cent de se produire chaque année) ont des niveaux d’eau de plus en plus haut.


Pour comprendre pourquoi des logements ont été construits en tête de falaise ou en bord de rivage, dans des zones fortement exposées aux risques, il faut remonter à l’époque de la colonisation.




Les 50 pas géométriques : entre régularisation et démolitions 





Les 50 pas géométriques sont une bande de 81.20 mètres comptés à partir du rivage de la mer pour définir une zone défensive non constructible. Ils ont par la suite été intégrés au domaine de la couronne, puis sont devenus publics. A la fin du XIXe siècle, des autorisations d’installation sont prononcées pour les anciens esclaves devenus libres mais sans titre de propriété. 


En 1996, les agences des 50 pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique sont créées pour régulariser les nombreuses personnes qui habitent sans titre dans la zone des 50 pas géométriques. En 2018, 75 % de la superficie de la zone des 50 pas était régularisée ou en cours de régularisation à Basse-Pointe.


Depuis les années 2000 des opérations Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI), des Opération Programmée pour l’Amélioration de l’Habitat (OPAH) et la définition du Plan de Prévention des Risques (PPR) entraînent des expropriations, des démolitions et des relogements pour les logements considérés insalubres.


Ainsi, à la menace des risques littoraux s’ajoute une complexité administrative héritée du passé colonial de la Martinique. 







Bâtiments vacants et indivision


D’autre part, en raison d’une forte décroissance démographique et des problématiques d’indivision, Basse-Pointe compte de nombreux bâtiments vacants.



La Martinique est la région française comptant le plus de logements vacants. En 2020, 16 % des logements de Martinique étaient vacants. Cette part ne fait qu’augmenter alors que le nombre de logements construits est en augmentation et que le nombre d’habitant sur l’île diminue. En 2021 à Basse-Pointe, on recensait 22% de logements inhabités, ce qui représente 396 logements.


Ce fort taux de vacance est lié aux problèmes d’indivisions : de nombreuses successions sont bloquées pendant des années pour diverses raisons (mésentente familiale, éloignement des héritiers souvent dans l’hexagone...). 


La loi Letchimy veut faciliter les situations d’indivision. Elle introduit la réduction de 30 à 10 ans le délai de prescription acquisitive. Concrètement, un individu peut devenir propriétaire d’un bien s'il l’a possédé pendant 10 ans en l’absence de réclamation du propriétaire.

Cette loi, uniquement appliquée en Outre-mer, n’est pas forcément bien perçue. Les procédures notariales sont des démarches longues, les propriétaires sont souvent nombreux et répartis sur différents continents ce qui rend les procédures encore plus complexes. 

Le paysage de la commune, en particulier dans le bourg, est marqué par la présence de nombreux bâtiments inoccupés ou abandonnés.  






Afin de comprendre comment la commune a évolué dans le temps, nous avons demandé aux habitants de nous envoyer des photos des lieux qui avaient le plus changé, qu’il faudrait préserver ou qui mériteraient d’évoluer.






Cette action a révélé un sentiment de nostalgie chez les participants. Dans le temps, la commune était beaucoup plus peuplée et dynamique. On nous a raconté les journées passées au bord de la rivière et à la mer entre groupes d’enfants ; la fête patronale qui s’étalait sur quatre week-ends des grandes vacances où venaient des musiciens et même un chouval bwa ; les tournois de football au sein de la commune où chaque quartier était représenté par une voire deux ou trois équipes ; le marché où l’on pouvait acheter du poisson et des fruits à de nombreux vendeurs, la pâtisserie, la confiserie et les tailleurs, coiffeurs, cordonniers et autre artisans qui faisaient la vie de la commune. Avec la décroissance démographique et le vieillissement de la population, les habitants déplorent tous un manque d’évènements, d’équipements et d’entretien dans la commune. Mais on nous a aussi fait part du désir de mettre en valeur les nombreux sites patrimoniaux que possède Basse-Pointe, ainsi que sa réputation en matière d’accueil, et les grands évènements qu’elle a accueilli, pour être à la hauteur de l’arrivée du “tourisme vert”.



Avec l’intensification des risques littoraux, une population décroissante et vieillissante, de plus en plus de bâtiments vacants, on peut se demander : comment continuer à habiter Basse-Pointe demain ? Cette question se pose particulièrement pour les personnes qui seront amenées à quitter leur logement en raison des risques littoraux dans les années à venir : quel lieu et quelle forme d’habitat serait désirable pour celles-ci ? Et comment occuper autrement les espaces littoraux ?



Mercredi 17 juillet 2024, nous avons organisé une causerie sur le thème de l’indivision, de la réduction de la prescription trentenaire et sur les bâtiments vacants. Elle a réuni une dizaine de personnes autour d’échanges animés. Des participants ont exprimé leur indignation de voir autant de bâtiments non occupés dans la commune alors que certaines personnes habitent dans des zones à risques ou sans titre dans les 50 pas géométriques, et que d’autres sont mises en demeure de quitter leur logement sans solution de relogement adaptée.





D'autres ont évoqué des communes ou la municipalité impose aux propriétaires de bâtiments vacants de les rénover sous peine d’expulsion (2). Certains ont montré leur volonté de redonner vie aux bâtiments vacants du bourg pour redynamiser la place en réfléchissant à un projet collectif. 








Enfin, la question du foncier a été soulevée. En effet, en Martinique, une grande majorité du foncier est détenue par le secteur privé (voir notre article précédent où il est question de la production agricole intensive de banane et de canne). La bande des 50 pas géométriques, elle, est une zone dans laquelle se trouvent des terrains publics appartenant à la commune ou à l’état, malgré les opérations de régularisation entreprises. 






Le travail de la permanence continue ! 


Nous continuons d’enquêter sur ces sujets sur le terrain avec des habitants, pour réfléchir à une nouvelle habitabilité du territoire.  




Un grand merci à José Norca, habitant à Fond Hackaert, qui a accepté de relire et de contribuer à cet article ! Merci également aux personnes qui ont participé à la première causerie, qui amorce d’autres discussions collectives sur différents sujets pour des réflexions communes. Et merci à Clément Bouvier et Aude Nachbaur du BRGM qui ont accepté de répondre à nos questions !





(1) Ces zones à risques sont déterminées par le BRGM et peuvent être consultées librement sur le Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) de Martinique. Les PPRN permettent de prendre en compte tous les risques dans l’aménagement d’une commune (mouvement de terrain, inondation, houle, tsunami, recul des têtes de falaise, volcanisme, submersion décennale et centennale). 



 
 
 

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Cette démarche est soutenue, accompagnée et financée par la mairie de Basse-Pointe, la DEAL, le CAUE, la DAC, la préfecture de Martinique, la Preuve par 7, la MIQCP et l'Ecole d'architecture de la ville et des territoires Paris-Est.

poca.basse.pointe@gmail.com

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Espace du marché, rue Marce Bedouin,

Basse-Pointe 97218, Martinique

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